Single Customer View (SCV) : définition, enjeux et cas d’usage

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En 2016, Technology for Marketing a demandé aux membres de son conseil d’experts de donner leur avis sur la Single Customer View (SCV) ou Vue Unique Client. Pour certains, il s’agissait d’un « mythe alimenté par la hype ». Pour d’autres, la SCV était tout simplement « le Graal de la gestion de la relation client ». A l’ère du tout-digital, de la montée en exigence des consommateurs et de l’explosion de la Data, la SCV s’éloigne progressivement de la définition du « mythe » pour s’approcher de celle du « Graal ».

La fable indienne et l’analogie de l’éléphant

Commençons ce papier sur la Single Customer View avec… une fable indienne. Trois non-voyants tentent de décrire un éléphant par le toucher. Chaque personne touche une partie différente de l’animal : les défenses, la trompe, les oreilles et les pattes. Leurs récits sont conflictuels, et les descriptions ne concordent pas. Ils finissent par apprendre que l’éléphant est un animal imposant, et que toutes leurs observations sont vraies, chacune constituant une partie du puzzle.

L’analogie avec le monde de l’entreprise est évidente. Chaque département développe une compréhension fragmentée des clients, avec des données éparpillées et silotées qui empêchent la complétion du puzzle.

Aujourd’hui, 90 % des clients naviguent sur différents appareils et points de contact, générant un grand volume de données granulaires que les CRM ne parviennent pas tous à traiter, à synchroniser et à intégrer. Chaque donnée granulaire est « vraie », mais elle ne se suffit pas à elle-même. La valeur d’un ensemble complet de données sur un client est supérieure à la somme des valeurs individuelles de chaque donnée granulaire pour ce même client. C’est ce paradigme qui a donné naissance au concept de Vue Client Unique, ou Single Customer View (SCV).

Qu’est-ce que la Single Customer View ?

La Single Customer View, ou Vue Client Unique, est une représentation agrégée, cohérente et holistique des données détenues par une entreprise sur ses clients et qui peut être consultée et explorée dans une interface unique.

A bien des égards, la SCV représente l’aboutissement de la « connaissance client », dans la mesure où elle permet d’analyser le comportement « historique » afin de mieux cibler et personnaliser les interactions futures avec le client. La SCV est également pertinente lorsque l’entreprise s’engage avec ses clients en omnicanal, puisque ces derniers s’attendent à ce que ces interactions reflètent une compréhension cohérente de leur historique et de leurs préférences au sens large. Dans certains pays anglosaxons, la Vue Client Unique est devenue une obligation légale dans certains secteurs d’activité réglementés. C’est par exemple le cas pour les institutions financières britanniques depuis le 31 décembre 2010.

Si elle fait la quasi-unanimité dans un contexte d’explosion de la Data, la Single Customer View n’est pas forcément un objectif absolu pour toutes les entreprises. Dans certains cas, il peut être plus pertinent de disposer de plusieurs ensembles de données ventilés selon le contexte ou le scénario plutôt que le client nominatif. C’est notamment le cas pour les entreprises du B2C qui vendent des produits « de masse ».

SCV : cas d’usage concret

Les e-commerces qui comptent plusieurs centaines, voire milliers de clients peuvent utiliser leur Single Customer View pour identifier puis cibler les clients « à risque » (dont la fréquence d’achat ou le panier moyen est en baisse).

Ils peuvent utiliser des critères comme la fréquence des achats depuis la toute première commande, le temps écoulé depuis la dernière commande et la valeur moyenne des achats par client pour détecter des signaux de désengagement et anticiper. Les clients « à risque » peuvent ensuite être segmentés en plusieurs groupes, selon leur panier moyen. Chaque groupe pourra être ciblé avec une campagne marketing différente :

  • Les clients « à risque » à ticket moyen élevé pourront bénéficier d’un geste commercial conséquent pour les réactiver
  • Les clients « à risque » à ticket moyen intermédiaire pourront bénéficier d’un coupon de réduction
  • Les clients « à risque » à faible ticket moyen pourront être ciblés avec un email sans incitation à l’achat.

La Single Customer View : l’aboutissement d’un Data Management dans les règles de l’art

Lorsque les représentations d’un client sont stockées dans plusieurs ensembles différents, il peut être difficile de faire parler cette Data de manière holistique et de tirer profit des interconnexions entre les données. Deux grands défis s’imposent aux entreprises qui souhaitent fusionner ces ensembles silotés en une vue unique.

#1 La traçabilité de l’identité du client

L’identité du client doit être traçable entre les enregistrements stockés dans les différents systèmes… ce qui n’est pas forcément évident, surtout si le stack technologique n’est pas correctement intégré. La SCV s’alimente généralement des bases de données, des Data Lakes et Warehouses, des flux RSS, des APIs, du Javascript, des Pixels publicitaires, etc.

L’entreprise doit avoir les moyens de faire de la « résolution d’identité », en exploitant notamment les identifiants uniques tels que les adresses email, les identifiants de connexion et les adresses IP pour établir des profils uniques et unifiés. La Customer Data Platform (CDP) est l’outil de référence pour cette tâche.

À noter : la SCV implique également la création d’une vue unique de consentement (préférences de navigation, confidentialité, etc.). Sans cette vue à 360° sur le consentement, vous ne pourrez pas distinguer les données qui peuvent être activées sans contrevenir au RGPD. L’orchestration du consentement est un critère majeur pour le choix de votre CDP, surtout si elle est éditée par une entreprise extra-européenne.

#2 La Data Quality, une condition sine qua non pour une SCV actionnable

Les anomalies et les divergences dans les données client doivent être neutralisées (préventif et curatif) dans le cadre d’une politique de Data Quality Management. Selon une étude signée Experian, la mauvaise qualité de la Data est la première cause d’échec des projets de SCV (43 % des marketeurs sondés), suivie par le cloisonnement et le désalignement des différents services de l’entreprise (39 %) et les difficultés à intégrer les technologies utilisées en interne (37 %). Experian évoque cinq règles d’or dans la Data pour réussir son projet SCV :

  • Mettre en place une solution de validation en amont pour s’assurer que les données entrées par les clients sont exactes, fiables et aux normes. Data Enso a mis en place EnsoEmail pour fiabiliser les données saisies dans les formulaires de contact (intégration via API aux formulaires) et fiabiliser vos bases de données existantes (traitement de fichier par lots)
  • Traiter les données « historiques » pour les nettoyer et les mettre aux normes. Data Enso vous propose ses solutions curatives EnsoBatch en mode ponctuel ou récurrent
  • L’enjeu de la SCV est décisif pour les CMO et les CSO. Ces derniers doivent devenir les moteurs du Data Management dans l’entreprise. Les grandes entreprises peuvent opter pour la création d’un poste de Chief Data Officer.
  • Faire du Data Monitoring pour s’assurer de la fiabilité des données sur la durée. Les entreprises qui n’ont pas forcément les ressources pour déployer une technologie de monitoring en temps réel peuvent traquer des KPIs comme le taux de réponse aux campagnes emailing, le taux de rebond (hard et soft bounces), etc.
  • Investir dans des talents analytiques pour faire le lien entre la donnée brute et l’information exploitable dans la prise de décision.

En réalité, la Single Customer View ne peut être que le résultat potentiel d’une bonne gestion des données.

Sandrine Le Cam

Pour aller plus loin...

Au-delà de la Data Quality, la réussite d’un projet de SCV est conditionnée par plusieurs éléments :

  • Prendre conscience qu’il s’agit d’un projet transformationnel à l’échelle de l’entreprise
  • L’implication du top management pour piloter le changement
  • Rester réaliste sur le type et le volume de données nécessaires. La visualisation en temps réel n’est pas toujours nécessaire
  • L’adhésion totale des équipes IT
  • La sensibilisation des parties prenantes au fait que la SCV peut devenir un avantage concurrentiel majeur
  • Des tests systématiques pour challenger la fiabilité de la SCV.